Lazuli – Nos Âmes Saoules
Lazuli
Autoproduction
Les fous fondus de rock les plus exigeants et les fanatiques de textes ciselés connaissent bien Lazuli depuis son premier album, Amnésie, paru en 2003. Ainsi, la bande des frères Leonetti nous propose aujourd’hui son sixième album, après le magnifique Tant Que L’herbe Est Grasse (2014), sur lequel Fish ex-chanteur de Marillion, chantait sur un titre (« J’ai trouvé ta faille »). Le même Fish qui a accueilli le groupe français en première partie de sa tournée Farewell To Childhood en 2015. Empressons-nous de saluer la témérité du géant écossais consistant à engager comme formation d’ouverture des musiciens excellents qui auront non seulement chauffé la salle, comme il se doit, mais qui auront également, par leur maîtrise scénique sans équivalent actuellement, rendu la suite bien difficile pour qui entrera en scène après eux. Honnêtement, depuis le Spock’s Beard de la grande époque, on n’a jamais vu prestation plus puissante et plus sidérante que celle qu’assène régulièrement nos Gardois. D’ailleurs, les fans du Poisson progressif ne s’y sont pas trompés : les disques des Français s’arrachaient comme des petits pains à l’issue de leur set séduisant, séducteur et sauvage. À noter que, pour un vocaliste, passer après Dominique Leonetti relève de l’inconscience tant celui-ci maîtrise les envolées vocales et parties de bravoure harmonique. Mais Fish a jeté l’éponge : il sait qu’il nage à présent en eaux troubles. Contrairement à Lazuli qui adopte l’adage « petit poisson deviendra grand » avec sérénité et tranquillité.
Affirmons aussi sans plus attendre que même si la musique produite par Lazuli apparaît comme parfaitement originale et hors de la soupe mainstream dont raffolent les télévisions et les radios, l’influence du travail de Peter Gabriel depuis Us (1992) semble avoir particulièrement marqué nos poètes chevelus. Ainsi des morceaux comme « Chaussures A Nos Pieds » ou « Le Mar Du Passé » auraient pu constituer deux pistes bonus de l’album Up (2002) de l’archange sans que personne n’y trouve à redire. Noter, à cet égard, la quasi-citation rythmique de la chanson « Digging In The Dirt » du Gab dans les premières mesures du sublime « Le Mar Du Passé ».
Mais Lazuli semble bien trop malin pour s’enfiler dans un carcan, aussi prestigieux soit-il. Les influences, encore manifestes en début de carrière (Ange, Fish, King Crimson, une certaine forme de world music moderne), s’estompent pour laisser la place à une qualité de composition totalement hors-norme et frisant souvent la perfection. Le travail sur les guitares, œuvre du grand, très grand Gédéric Byar, vous laissera sans voix : un sens de la retenue (pour mieux atteindre l’orgasme) que l’on ne croyait plus entendre à part chez Marillion ou King Crimson, justement. Des textes poétiques, jamais abscons, jamais cuistres, toujours vrais. Ajoutons à ce tableau déjà bien brossé la voix cristalline de Dominique, les parties de piano tout en élégance de Romain et la magie apportée par cet instrument désormais mythique qu’est devenue la Léode, jouée par le frère Claude. Une prise de son superbe captée dans le propre studio des musiciens, L’Abeille rôde, dans le sud du pays achève de faire de ce disque un chef-d’œuvre que ne mérite pas la France, trop occupée à ridiculiser les génies (Arno chez Ruquier, Murat chez Nagui et Christian Décamps chez personne) pour monter au pinacle des produits (Mylène Farmer, Stromae et consors). Dans un autre monde, Lazuli serait numéro 1 des ventes et on ne parlerait même pas de la reformation intéressée et inintéressante de Téléphone. Et Nagui vendrait des téléphones portables.
Christophe Gigon
Encore un grand album de Lazuli..
Encore un qui sera ignoré du système radios/majors…