Juhani Silvola -Strange Flowers
Juhani Silvola
Autoproduction
Vu de France, le nom de Juhani Silvola ne vous dira certainement rien. Dommage, car en Norvège c’est un musicien/producteur parmi les plus réputés. Et très ouvert d’esprit avec ça ! Ces multiples talents, notamment de guitariste, l’ont amenés à jouer avec des groupes d’inspiration folk comme Erlend Viken Trio, Earlybird Stringband et Adjagas, mais aussi avec un groupe de rock expérimental tel que Sacred Harp, et même de participer à des performances de musique contemporaine avec Torbjørn Eftestøl/Koan, Jenny Hval et Hege Pålsrud. Autant dire que Juhani Silvola a de l’envergure et de la profondeur. Strange Flowers est son premier album, à l’image du personnage, courageux, engagé, dense, multipolaire, en un mot impressionnant. Strange Flowers ressemble à un voyage sans destination précise passant par ici et par là, ailleurs et partout, souvent avec douceur, parfois sans ménagement. Juhani Silvola s’est aussi entouré de son épouse Sarah-Jane Summers, violoniste virtuose, et de son frère Timo, batteur redoutable, pour mener son Strange Flowers entre des passages d’une sublime beauté ou des moments plus mouvementés.
L’album commence avec « The Gods That Built This Place Were Mad« . Imagnez qu’un percussionniste sioux se soit associé à un bluesman pour un petite jam en plein désert, d’abord doucement puis de plus en plus fougueusement. Ça sent le talent à plein nez, le savoir-faire, la maîtrise. Et ce n’est que le début. Un autre rythme à l’indienne s’ébranle mais cette fois pour accompagner des envolées de violon. Où sommes-nous maintenant ? En Ecosse ? En Asie ? Ne ne savons déjà plus. Mais nous écoutons, car le voyage s’avère passionnant. Un peu plus loin, un rythme de batterie asséné au cordeau nous rappelle Neu ! C’est motorik à souhait, ça nous propulse, nous électrise, c’est « The Last Modernist« .
Nul doute que Juhani Silvola doit être un grand fan de Michael Rother. Même style de jeu de guitare fluide, mélodique, élégant, somptueux. Juste après, avec « Black Breath, Black Blood« , nous changeons totalement d’univers pour nous retrouver au beau milieu d’une scierie en plein activité ou quelque chose comme ça. Oui c’est bruitiste, mais pas agressif. Et c’et là où on voit que Juhani Silvola assume à fond ses choix stylistiques, même les plus étonnants ou les plus extrêmes. Les trois derniers morceaux de l’album sont cependant plus calmes et mainstream. On y atteint même des sommets de musicalité, de légèreté dans les harmonies, tout ceci avec une insolente sensation de facilité malgré l’évidente complexité des compositions. Et à la fin des fins, nous avons le sentiment de disparaître avec la musique au milieu des airs.
Ceci n’engage que moi mais Strange Flowers est un album comme je les adore, riche, varié, et surtout sans concession. Impossible d’énumérer tous les genres musicaux abordés, mieux, transcendés, par Juhani Silvola. En vérité, ça part dans tous les sens avec expertise et aplomb. Bien sûr, un tel album ne pourra que désarçonner les amateurs d’albums bien formatés, au style bien défini. Pour tous les autres, c’est un pur régal, un album à réécouter encore et encore pour en percer au moins un peu les secrets. C’est un album qui nous pousse à être curieux, à voir plus large. Bravo Juhani, ton premier album est réellement exceptionnel. J’en redemande !
Frederic Gerchambeau