Haamoja – Natural Evolution

Natural Evolution
Haamoja
2015
Autoproduction

Haamoja-Natural Evolution

Vous connaissez Plini ? Sithu Aye, ce nom vous est-il familier? Widek, StarSystems, Trees on Mars, Chon, I Built the Sky, The Helix Nebula, Gru (Piotrek Gruszka), Cloudyhead, est-ce que ça vous dit quelque chose ? Non ? Eh bien il se peut fort bien que le nom de Haamoja ne vous dise rien non plus. Tous les noms de groupes mentionnés plus haut donnent tous dans la musique instrumentale; des poly-instrumentistes solo pour la plupart. Et ce qui les unit ? Le space rock, le djent, le jazz fusion, un fier mélange de tout ça (enfin, appelez ça comme vous voulez). Leur musique, très évoluée du point de vue théorique, n’est toutefois pas à la portée de tous. La raison en est très simple : il s’agit d’une musique instrumentale très dense et complexe qui n’est susceptible de rejoindre que les fans de progressif et/ou de jazz (un bassin déjà restreint en soi). Les puristes et amoureux de métal, de pop ou de rock seront plutôt réfractaires à ce type de musique. Car il y a dans celle-ci une quantité de notes à rendre jaloux Mozart et Paganini, il s’agit également d’une musique truffée de déconstructions, d’éclatements, d’expérimentations et, fait important : elle ne comporte généralement que de la guitare et un tas d’instruments joués au clavier, batterie comprise. Bref, l’oreille habituée à une musique plus linéaire, construite sur le canevas  »refrain, couplet, refrain », risque d’être désorientée et de demeurer totalement insensible face à ce qui lui est offerte. Idem pour les adeptes de la casse. Elle peut en ce cas être jugée trop douce, trop  »molle » pour certains (d’autres la catégoriseront à tort de  »musique d’ascenseur »). C’est personnellement un style que j’adore, en revanche celui-ci s’apprécie rarement à la première écoute.

Cette école plutôt éclectique fait des petits ces dernières années. À l’instar des enregistrements  »djent » et  »post-rock » qui envahissent YouTube, Bandcamp, ReverbNation ou SoundCloud, les auto-productions jazz-djent-space rock instrumentales abondent. On se perd donc dans un flux constant de parutions de qualités plutôt inégales. Or, la critique est là pour faire un triage préliminaire, pour proposer à ses lecteurs du matériel qui se démarque ou qui mérite qu’on en parle. C’est le cas d’Haamoja.

Haamoja, pour les non-initiés, c’est le projet d’un seul homme, celui de Yao-Ting Lee.  « Liberation », un premier album paru en juillet 2014, était un projet intégralement mené par le musicien taïwanais. Il s’agissait d’un album intéressant, mais qui ne livrait pas tout le potentiel du jeune compositeur. Avec « Natural Evolution », son second opus, le soliste de Taipei s’est accompagné du fameux guitariste australien Plini (la référence du genre), de même que d’Anund Vikingstad (Umpfel) et Matt Harnett (Umpfel, Kardia, StarSystems, Matt Harnett solo), deux jeunes guitaristes de la relève. Menant de front la production et l’instrumentation du projet, Ting Lee cède trois pistes à ses musiciens invités, rehaussant d’un cran la diversité de ses compositions. L’album s’en retrouve alors plus coloré, arborant divers sons, diverses atmosphères (ce qui s’appliquait moins au premier album). De fait, « Natural Evolution » nous offre une musique incomparable aux sonorités planantes et très cérébrales.

Par moment, on peut y entendre des airs de jazz fusion comparables à ceux du célèbre trio Animals As Leaders, de même que des passages purement  »djent » comme dans la chanson « Woah ! » (piste 7). Certains morceaux, qui débutent par un air jazz très contemporain avec leur piano et leur saxophone synthétiques (programmés au clavier par Ting Lee), progressent et se transforment peu à peu en pièces de  »djent » pures et simples. C’est le cas notamment de « Light Up », « Sweet Bubbles », de « Woah ! », « The Dust Of Time » et de certaines mesures de la pièce « Creativity ». Considérer Haamoja comme du  »djent » est toutefois très réducteur (tout comme cantonner Animals As Leaders dans ce style unique peut avérer une erreur). Il serait plus approprié d’associer le projet au progressif ou au jazz (j’oserais même bricoler les termes  »jazz progressif » ou  »post-jazz » pour l’occasion).

Il m’est difficile de décrire davantage cette musique. Il y aurait trop ou peu à dire de façon claire et descriptive. Disons, pour le coup, que cette chronique avait pour objectif de braquer la lumière sur cette excellente production qui, autrement, serait passée sous silence. Et puis les mots seraient ici inutiles pour décrire cette musique, sinon qu’elle donne l’impression de prendre l’envol, de ressentir une ivresse, un vertige. Et, accompagné par Plini, l’effet est encore plus marquant. Si j’avais un conseil à donner avant de s’attaquer à Haamoja, ce serait de s’introduire au genre en écoutant le dernier album d’Animals As Leaders (moins  »djent » et plus  »jazzy »), suivi d’un album de Plini (« The End Of Everything » ferait le travail), de même qu’une ou deux pièces de StarSystems (le projet le plus accessible du genre à mon avis). Une fois ces albums écoutés, ingérés et intégrés dans votre bibliothèque, il n’y a aucune raison qu’Haamoja vous déplaise. Car dans le genre, on fait difficilement mieux! Bonne écoute, bonne découverte!

Dany Larrivée

https://www.facebook.com/kyleleekyle

https://haamoja.bandcamp.com/

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