Eleven Strings – Chaos And Creation

Chaos And Creation
Eleven Strings
2015
Autoproduction

Eleven Strings-Chaos and creation

Du metal « made in Brazil » ? Qui pourrait nommer au moins cinq grands noms de groupe metal brésilien ? Moi qui suis un fervent disciple de la musique internationale, je n’arriverais pas à relever le défi. Je connais bien Sepultura (Arise et Roots sont des albums cultes dans le genre tribal metal), je suis fan  de M.H.X.’s Chronicles, de Bad Salad et de Silent Cell (un petit groupe qui nous a fait découvrir la gentille pièce « Devoted » via YouTube) et je connais depuis peu la formation speed metal Hibria. Mais voyez-vous, je suis incapable d’énumérer plus de cinq formations metal en provenance du Brésil. Or, si l’on parcourt la page d’Encyclopaedia Metallum par pays, on peut rapidement constater que les groupes metal pullulent au pays du café et du foot. Comment se fait-il alors que nous en ignorons tout ? Embargo des produits d’Amérique latine, isolation culturelle des pays non-anglophone et non-américain (on n’en serait pas surpris), faiblesse de l’industrie du disque et du réseau de distribution à l’extérieur du pays ? Impossible de répondre avec certitude, mais je doute que tous ces facteurs contribuent à maintenir ce regrettable isolement.

Eleven Strings-band

Qu’à cela ne tienne, nous n’y pouvons hélas rien. N’en tiens qu’à nous de fouiner et de dénicher quelques joyaux au gré de notre prospection, et ce, en dehors de cette zone de confort européo-américaines. C’est ce que j’ai fais encore cette semaine. Fidèle à mon habitude, j’ai parcouru Bandcamp et les environs afin de trouver chaussure à mon pied. Et puis mon objectif était clair : je voulais du metal hors des États-Unis (non, mais ça commence à bien faire, on fait du metal partout, alors écoutons du matériel provenant d’ailleurs, histoire de changer de son). Je suis tombé par hasard sur Eleven Strings, un sextuor de Sao Paulo. J’ai découvert avec eux un son différent, un prog metal intelligent et sans compromis empruntant une structure plus près du rock progressif que du death (car on sait tous que le metal progressif a une tendance à s’orienter davantage vers le death que vers le rock, allez savoir pourquoi).

Tout d’abord, cet album n’est pas parfait. Les harmonies vocales ne sont pas toujours justes. Les backing vocals sont parfois un peu trop poreux et pas assez lissés. Je prendrais exemple sur la pièce « The Maestro Of Creation », un titre plutôt dream-theateresque où, lors de pre-chorus, on aurait le goût de dire au choriste (qui est également le chanteur principal) : « bon, d’accord l’ami, ferme-la, tu ruines tout » (j’ai cette même phrase à la bouche en écoutant « Deep Black Hole »). Non, mais, des backing vocals, quand on n’a pas l’étoffe pour les assurer, on n’en fait pas, point à la ligne… Et puis, admettons que la voix de Evandro Baito est plutôt particulière. Très haut perchée, juste un peu rauque en finale, un peu forcée dans les virages, ses parties vocales sont ce qui me fait hésiter. Par contre, les lignes de basse et de batterie sont très efficaces, la polyrythmie est très assumée et tient la route. On est en présence d’un progressif intéressant et potentiellement commerciable, et ce, bien au-delà des côtes brésiliennes. Il faudrait travailler les voix, éviter les « peaks », les passages forcés et la cacophonie des chœurs (sur un moniteur, on pourrait rapidement constater que les graphiques du lead vocal et des backing vocals ne suivent pas du tout le même schéma). Je dirais la même chose en ce qui concerne #0 (2012) et Eleven Strings (2013), les deux démos antérieures du groupe.

De façon générale, j’oserais dire que la voix de Baito est vraiment celle qui sied au groupe. Mais dans ce cas, il lui faut s’en tenir au registre vocal qui lui convient. Donc, aucun growl, aucun « rawwwr », aucune tentative de saut d’un octave à l’autre (surtout pas !), aucune mesure comprenant une raucité provoquée. A contrario, la pièce « Slow Death », un air plus doux, comporte des parties vocales impeccables. Comme quoi celui-ci est capable d’équilibre. On ne peut pas toujours être à côté de la plaque et l’ignorer…

Bon, maintenant, je me calme. Car si je chronique cet album, ce n’est pas pour n’en dire que du mauvais. Ce serait contre-productif. Et puis, je n’ai pas acheté l’album pour sauter dessus à pieds joints. En fait, la musique d’Eleven Strings me convient parfaitement. Des introductions au piano comme celle de « Nameless », je peux en prendre. Donnez-m’en, j’en veux encore ! Et puis, des pistes de claviers comme sur « The Maestro Of Chaos », j’en redemande ! D’ailleurs, oui… admettons pour le coup que les claviers de Felipe Leão font toute la différence. Ce sont ces mêmes pistes qui donnent une dimension, une profondeur à cette musique. On la sentirait incomplète sans cela, bien que les guitares et la batterie en soient les principaux piliers.

Côté technique et composition, je suis convaincu que le groupe a peu de choses à apprendre de ses mentors, j’ai nommé Dream Theater et Gods Of Eden. On sent dans les guitares de Jonny et Junior Carlos une maîtrise de l’arpège à la Satriani. Le gentil solo dans « Slow Death » en est une preuve. On n’est pas en face d’un vulgaire joueur de crin-crin pourri. Ces musiciens ont l’étoffe des plus grands. C’est d’ailleurs pour cette raison que je passe outre mon irritation à l’égard des parties vocales.

Bref, quand on fait rapidement le topo, on se dit : « ouais, c’est pas mauvais du tout tout ça. Ça se défend bien. C’est du prog metal bien tassé« . On pourrait même dire que chaque musicien pourrait avoir sa place dans le panthéon de son instrument respectif. Mais on pourrait aussi dire, si on se permettait d’être légitimement méchant : « les mecs, ça serait parfait si vous viriez Baito« . Mais on ne sera pas méchant, on va seulement le penser et le garder pour soi (oups, trop tard).

Dann

https://elevenstrings.bandcamp.com/album/chaos-and-creation

https://www.facebook.com/Eleven.Strings.official

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