Electrogenic – Double Exposure

Double Exposure
Electrogenic
2015
Autoproduction

Electrogenic-Double Exposure

Allez, je vais tout vous dire. Ce groupe m’a fait tomber de ma chaise. Double Exposure tourne en boucle chez moi. J’ai presque l’impression d’écrire mon journal intime en écrivant ces lignes. C’est de l’addiction. Mais c’est normal, Electrogenic est un groupe addictif. Ou alors j’ai été particulièrement sensible, très personnellement, à ce que dégage la musique de ce duo italien. Mais je ne le crois pas. Lors de leurs concerts, les gens sont comme moi, ils applaudissent, ils s’esbaudissent, ils en redemandent. Bon, je me calme, je respire un grand coup, ça va mieux, mon rythme cardiaque s’apaise. Je peux m’expliquer. Je vais vous avouer un truc qui vous fera un peu entrer dans les coulisses de cette chronique. Il y a quelques mois, Electrogenic m’a écrit pour me proposer d’écrire à leur propos. Mais ils n’avaient pas alors d’album « en dur » à m’envoyer. J’aime bien avoir l’objet entre les mains, mettre le compact-disque, l’écouter, le réécouter, si besoin encore et encore jusqu’à le connaître par coeur, m’en être totalement imprégné. À tout hasard, je me suis quand même renseigné sur Electrogenic avant de répondre. J’ai vite compris que ce duo avait réellement quelque chose de plus, sans pouvoir mettre encore le doigt dessus. Cependant, fidèle à mes principes, je leur ai dit non. La mort dans l’âme, mais en ayant bien expliqué mes raisons. Et j’ai attendu, rivé à mon espoir que le groupe m’écrirait à nouveau, avec un vrai CD à m’envoyer. Et ils l’ont fait avec cet éblouissant Double Exposure.

En recevant l’album et en l’écoutant une première fois, j’ai tout de suite compris qu’avec Electrogenic je tenais là un groupe exceptionnel, un duo profondément intéressant, avec une musique à la fois immédiate, complexe, souvent bouleversante, et parfois d’une noirceur déroutante. J’entre dans le détail. C’est « Another Day » qui ouvre l’album et qui fait déjà très fort. De prime abord, on croirait le tout nouveau tube tendance electropop méchamment dansante de la grande chanteuse du moment, du genre chanson concoctée par une armée de compositeurs ayant tout ficelé dans les moindres accords et mixée aux petits oignons par un ingénieur du son ultra-top. Sauf que c’est un simple duo qui a fait ça dans son modeste home-studio. Sauf aussi que la chanson est encore bien meilleure qu’un simple tube. Sauf également que ce n’est même pas le premier single du groupe, qui est « Game Over ». Sauf encore que « Game Over », je veux parler de la chanson et au-delà, du clip qui l’accompagne, revèle un duo plutôt atypique, pas franchement lisse, voire un tantinet étrange, en clair des plus intéressants.

Electrogenic-band

Et ceci n’est que le début. Car chacun des dix titres de Double Exposure possède sa personnalité propre, ses clartés, ses ombres, ses recoins secrets. Un exemple, mais saisissant : « Rise Up ». En sept lignes de texte, tout est dit des tendances suicidaires, mais finement, sans excès de zèle, avec une concision et une justesse qui confinent au haïku japonais. « Skills » » est un autre exemple, dans un genre cependant très différent. Là, le duo déploie un savoir-faire compositionnel assez bluffant tout en restant dans le cadre d’une fort sympathique chanson electropop. Ça n’est certainement pas involontaire de la part du groupe, que je soupçonne être des plus finauds, « skill » voulant dire habileté, justement. Mais c’est dans les profondeurs de Double Exposure, je parle de ses derniers titres que je trouve encore plus mon bonheur, ma dose d’émotion vitale.

C’est ainsi que « Grey Miles » me fait à chaque fois chavirer avec ses harmonies délicieusement bizarres, son rythme d’une impeccable lenteur et son atmosphère troublante. Mais le summum, c’est « Home Again ». La mélodie, les paroles, le climat, c’est trop beau, c’est trop triste, j’adore, j’adore, j’adore. Et puis il y a la voix de la chanteuse, dans cette chanson comme dans toutes les autres. La chanteuse, c’est Cristina Corti. Je dis la chanteuse, mais à ce stade, c’est carrément péjoratif. Car Cristina Corti est bien plus que la chanteuse, ainsi par ailleurs que la deuxième claviériste, du groupe. Exfiltrée du groupe post-punk italien Stardom où elle était guitariste, elle montre ici sa réelle et immense envergure en co-signant voire en signant tout court des textes de chanson intenses et souvent sombres.  Les tendances suicidaires de « Rise Up », c’est elle, entièrement elle. Autant dire que le côté obscur et fascinant d’Electrogenic lui doit beaucoup. Mais je parlais de sa voix. Bon, Stefano Lugo chante très bien, c’est clair, avec un timbre chaud et recherché dans ses intonations sinueuses. Cristina Corti, c’est autre chose. C’est une sorte de caméléon vocal capable d’adapter à la perfection sa voix au climat de chaque chanson. Des inflexions suaves dans les graves aux envolées sublimes dans les aigus, Cristina Corti maîtrise avec aisance et grâce tous les registres.

Cependant, que serait la plus envoûtante des voix sans un écrin mélodique à sa mesure ? Et c’est là où Stefano Lugo s’avère un redoutable artisan d’harmonies qui s’inscrivent à plaisir au fond de notre cervelet. Où ce gars-là a-t-il donc moissonné un tel art de la chanson parfaite ? Une partie de la réponse est sûrement à trouver dans les airs aussi costauds qu’hypnotiques de The Shade dont est issu Stefano Lugo. « The Deluge », c’est lui, entièrement lui, et c’est juste monstrueusement bien usiné. Bon, je m’arrête là. Mais vous l’aurez compris, Electrogenic est un groupe à suivre de très très très près. Voire à creuser, car je suis loin d’avoir tout dit à son sujet de ce que j’en sais d’intéressant.

De toute évidence, Double Exposure n’est qu’un début, le premier effort extrêmement réussi d’un groupe qui en a énormément sous le pied. Je brûle déjà d’impatience de découvrir leur deuxième album après avoir anéanti le premier à force d’écoutes compulsives à toutes heures du jour et de la nuit.

Frédéric Gerchambeau

https://electrogenic.bandcamp.com/

https://fr-fr.facebook.com/Electrogenicband

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