Devin Townsend – Z2
Devin Townsend
Inside Out
Déjà que n’importe quelle galette du Canadien fou reste plus difficile à digérer qu’une colonne de crêpes mâtinées de sirop d’érable, un double album risque de mettre sérieusement en péril votre système digestif ! Sans même parler de l’état de vos nerfs : en pelotes. Démêlons donc le fil de la trame touffue de cette seconde réincarnation de Ziltoïd, l’extraterrestre laid et fou de jus de chaussette… Et oui, cher public médusé tout autant que consterné, Z2 est bien la suite de Ziltoïd The Omniscient sorti en 2007. Et comme d’autres avant lui, il revient et il n’est pas content ! Entrons donc sans plus attendre dans le cerveau torturé de ce grand ado attardé qu’a su rester l’immense Devin Townsend.
Le premier disque, Z2 Part I : Sky Blue, propose la facette la plus accessible du guitariste hurleur. Celle-là même qui fit florès sur des œuvres comme Addicted (2009) ou Epicloud (2012). Des formats plutôt courts, de bons riffs de heavy metal d’excellente facture, transcendés par la voix angélique de l’ubique Anneke Van Giersbergen, jadis vocaliste de The Gathering. Une douzaine de titres, plutôt classiques (pour les amateurs de Devin, précisons-le !), qui réjouiront l’auditeur tant tout ce que l’on aime chez le bonhomme se retrouve en quantité suffisante. Ainsi, guitares costaudes (Devin), voix de Gremlins (Devin encore), mélopées de sirènes excitantes (Anneke) et mélodies à hurler dans sa cuisine, tout en essayant de se suicider en ouvrant une brique de lait. Boisson qui ne doit guère être consommée par l’ami Devin; ce qui expliquerait son hyperactivité atavique (pas moins de trente albums depuis 1995 !).
Z2 Part II : Dark Matters s’adresse en premier lieu aux vrais barjots; à ceux qui comprennent et apprécient un ovni comme Ziltoïd The Omniscient. Justement, Dark Matters propose la suite des aventures ubuesques de la bestiole en quête de lavasse caféinée. Le projet, encore plus dingue que son prédécesseur ressemble davantage à une comédie musicale qu’à une collection de chansons. La production, monstrueuse, renvoie le mélomane à des productions bien connues et parfois honnies du grand public. On pensera tour à tour à Queen, à la chanson « This Town Ain’t Big Enough For The Both Of Us » du groupe Sparks ou à la période Joe’s Garage de Frank Zappa pour le côté opéra-rock, puis à Rammstein ou Symphony X pour la rage dense des parties de six cordes. Les passages narrés par Ziltoïd lui-même achèvent de transformer un simple disque en histoire mise en musique. Il existe même une version se déclinant en trois rondelles, ceci afin de pouvoir faire profiter le fan de l’intégralité des tirades de l’alien ! Au fou !
La forme bicéphale de ce disque, à ne pas offrir à votre petit neveu épileptique, fonctionne plutôt bien tant l’envie de passer d’un extrême à l’autre, suivant les humeurs (et le seuil de tolérance) est vivace. Cela dit, quand l’artiste aura découvert les joies d’un sommeil réparateur, il sera plus à même d’enregistrer des pistes plus « normales ». Mais ce n’est pas ce que l’on veut non plus. Sachons donc gré au monde de continuer de laisser vaquer de tels olibrius, pour le meilleur et pour le rire.
Christophe Gigon