David Bowie – Lodger

Lodger
David Bowie
1979
RCA

david-bowie-lodger

Lodger, treizième album studio de David Bowie, est le troisième et dernier volet de la fameuse trilogie berlinoise. Qui porte décidément bien mal son nom puisque l’opus a été enregistré à Montreux, en Suisse, et mixé à New-York, aux Etats-Unis. Mais bon, disons que cette trilogie a surtout un rapport avec la collaboration, durant quelques courtes mais belles années, de Brian Eno aux albums de David Bowie. Les deux musiciens s’étaient rencontrés à l’occasion de Low, avec des résultats époustouflants, avaient donné leur pleine mesure avec le sublissime Heroes et continuaient leurs extravagances avec ce Lodger. Sauf qu’il y a maintenant de l’eau dans le gaz. Oh, pas beaucoup, et cette troisième collaboration est d’ailleurs de nouveau parfaitement géniale, mais tout de même assez pour que leurs routes se séparent après ça.

De fait, Lodger est un peu à part dans cette trilogie berlinoise, outre sa date de sortie plutôt tardive si on se réfère aux deux premiers épisodes. Low comprenait une seconde face entièrement instrumentale. Ce fut un peu moins vrai concernant Heroes, où ne figure sur la seconde face qu’une suite de trois instrumentaux enchaînés. Rien de tout ceci sur Lodger, David Bowie ayant refusé cette fois cette structure d’album proposée par Brian Eno. Tous les titres de Lodger sont donc chantés (et même trèèèès bien chantés). Qu’on ne croit pas pour autant que Brian Eno n’ait pas mis son grain de sel dans cet album, bien au contraire ! Ça en est même à ce point que Lodger va visiblement servir de modèle et de point de départ à plusieurs futurs albums de Brian Eno, et en particulier à My Life In The Bush Of Ghosts, ce qui n’est pas un mince compliment.

Alors ok, Eno et Bowie se sont peut-être un tantinet mal entendus sur Lodger, mais mama mia, quel fantastique album ! A vrai dire, c’est le disque où l’influence de Brian Eno s’est le mieux traduite musicalement parlant dans les chansons de David Bowie. Ce qui donne une collection de chansons, presque toutes possiblement tubesque, à la fois totalement originales dans leurs genres et d’une très grande variété. Pour être clair, ce Lodger est aussi foutraque que jouissif. C’est ce qui le distingue de ces deux prédécesseurs, plus étranges, plus intellos : il est redoutable mais facilement écoutable, délirant mais absolument plaisant. Certains, et pas des moindres, ont même été jusqu’à écrire que Lodger avait été le dernier chef-d’oeuvre de David Bowie. C’est assez dire le niveau sidérant de cet album généralement sous-estimé.

Bowie Lodger

A l’origine, Lodger devait s’appeler Planned Accidents (d’où la pochette très trash de l’album, qui a ensuite changé de nom). Comme si chaque chanson devait être artistement cabossée pour acquérir ses qualités propres et sa qualification à figurer sur l’album. L’idée – on reconnaîtra là la manière de faire de Brian Eno – n’a cependant pas été poussée jusqu’à son terme, Eno n’ayant pas participé à l’élaboration de toutes les chansons. La vérité est toutefois encore plus étonnante. L’influence de Brian Eno est si forte dans cet album que même les chansons où il a été absent ont l’air d’avoir été inspirées par ses idées ! Il faut dire que l’assemblée de musiciens qui a œuvré sur Lodger est juste stupéfiante et qu’elle explique en bonne partie le très haut niveau de cet album super-inventif et extrêmement bien joué malgré l’insolente complexité de beaucoup de morceaux (écoutez par exemple « African Night Flight »…).

Pour être précis, c’est la même équipe qui a entouré David Bowie en 1978 lors de sa tournée Isolar II qui a aboutie à l’album Live Stage, avec entre autres Andrian Belew à la guitare (qui a joué dans King Crimson et avec Frank Zappa, excusez du peu !) et Roger Powell aux synthés (le fabuleux claviériste en titre d’Utopia et le reste de son CV est long à faire peur). Avec de tels musiciens autour de lui, en plus du très fidèle Carlos Alomar, les idées les plus délirantes ou les plus compliquées à mettre en oeuvre ont pu être facilement réalisées. C’est ce qui fait l’incomparable richesse de cet opus. Oui, Lodger est sacrément pourvu en excellentes chansons, du superbe « Fantastic Voyage » qui débute l’album au très orientalisant « Yassassin », en passant par le très introspectif « Move On » et le robuste « Red Sails », sans oublier bien sûr les célèbres « D.J. » et « Boys Keep Swinging ». Certes, la collaboration entre David Bowie et Brian Eno s’achève là, mais quel incroyable bouquet final !

Frédéric Gerchambeau

http://www.davidbowie.com/

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