Celluloide – Hexagonal

Hexagonal
Celluloid
2010
BOREDOM Product

Celluloid-Hexagonal

L’album date de 2010, mais tant pis. La musique de ce groupe marseillais, dont c’est ici le cinquième opus, me fait toujours le même effet : j’adooooore ! Dès le premier titre, « Imprévisible », la voix à la fois mélancolique, suave et monocorde de Darkleti accompagne et contrebalance de sa douce humanité les séquences et les rythmes électroniques qui virevoltent autour d’elle. « J’ai peur du vide, de tomber de haut. Est-ce qu’il le faut ? » chante-t-elle d’un ton froid et touchant. Car oui, Celluloide m’émeut, et m’a toujours ému. Même si c’est l’intelligence invariablement exceptionnelle de ses compositions qui m’a d’abord frappé. Je peux évidemment être plus sensible à telle ou telle chanson, mais aucune ne me semble mineure, sans intérêt, à oublier et à passer. C’est toujours d’un trait que j’écoute les albums de Celluloide et tout particulièrement cet Hexagonal de très haute volée, riche, dense et pétri d’émotions contenues. Non, Darkelti n’est pas la Callas et je m’en fiche bien. Sa voix touche néanmoins au cœur. D’autant que derrière elle, U-0176 et Partyck n’envoient que du fantastique en matière de synthés et de rythmes complexes.

Dans « Coeur 8-bit », Darkleti murmure : « Tu m’observes, tu me décortiques, d’après toi, je serais trop mécanique. Je dois faire mon auto-critique, être plus démonstrative, moins analytique. Tu me demandes quand je m’endors, si je pense à toi encore. Je me concentre, je m’applique, mais malgré tous mes efforts, je ne vois que des formes géométriques. Mon coeur ne rêve qu’en 8-bit. » Cette poétique informatique tout en rimes et en rythmes résume bien la problématique synthétique de Celluloide. On y est sensible… ou pas. Kraftwerk, en grand devancier, est bien sûr passé par là, eux les hommes-machines, les robots à visage humain. Mais, à la réflexion, ces paroles ne sont-elles pas tout bêtement prophétiques ? En 2248, si notre humanité se hisse jusque là sans trop de heurts, certains hommes ne coucheront-ils pas avec des robots-femmes ? Bon, à la vérité, je ne crois pas que c’était ce que Celluloide avait en tête dans ces paroles. Je ne peux cependant m’empêcher de m’amuser de ce double-sens possible.

Celluloide-band

C’est d’ailleurs bien en femme tout à fait humaine que Darkleti chante ceci dans « Sans Conditions » : « Il n’y a pas de conditions à l’amour qu’il te porte. C’est une étrange affection, si fragile et si forte. C’est facile en un sens, puisqu’il n’y a rien à faire. Pourtant quand on y pense, si un rien s’interfère, comment ne pas avoir peur de commettre une erreur ? ». L’amour, une étrange affection. Nous restons là, même si c’est plus subtil, dans le domaine de l’homme/femme biomécanique prôné par Julien Jean Offray de La Mettrie dans son livre « L’homme machine » (1748) où la reproduction sexuelle est prévue dans le manuel mais où l’amour est cette étrange affection qui peut mettre tout par terre si un rien s’interfère. Voilà, tout l’album est ainsi, beaucoup plus profond qu’il n’y paraît certainement au premier abord. Et la musique, la musique… U-176 et Patryck sont des grands, des très grands. Il faut vraiment écouter chacune de leurs notes de synthé, chaque battement de leurs rythmes, c’est éblouissant, géant.

Frederic Gerchambeau

http://www.celluloide.online.fr

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