Blind The Huntsmen – White Eyes
Autoproduction
2017
Vous aimez l’éclectique ? Blind The Huntsmen pourrait vous intéresser. Issue du Mexique, cette formation explore presque tout le spectre du progressif en plus de faire quelques incursions dans d’autres zones plus « soft » par moment. De rock, de metal, difficile de dire de quel matériau est fait cette musique… un alliage des deux, peut-être.
Premier album, première évocation du nom. Toujours ce malheur de ne pas être originaire d’Amérique du Nord ou d’Europe. On le sait, les formations du Sud ont peu de visibilité à l’international. Et c’est regrettable, car voyez à côté de quoi nous serions passés si vous n’aviez pas tout fait pour tomber là-dessus à force de recherches et de prospections !
On retrouve dans cette œuvre disparate un son franc, des compositions ingénieuses, une intéressante maîtrise de l’effet de surprise ! On évite la linéarité et tout ce qui peut être prévisible. D’une part, l’album fait écho à Posthuman du groupe portugais Sullen ou aux deux opus d’Oblique Rain dans le cas de « Komorrah’s Box » et « Losing The Anchor », alors que celui-ci renvoie directement à The Fall O Hearts de Katatonia dans des titres tels que « Emanations Of Light », « Trial Of The Descendants » et « Lost Wanderer ». Influences et sonorités un peu éloignées, vous me direz, et pourtant rien ne « clash », rien ne fait grincer des dents.
De l’ambiance, il y en a. On passe au metal plutôt dépoli en début d’album, pour faire quelques escales dans la musique acoustique et planante (un modus operandi de Sullen et Katatonia auxquels j’ai justement fait référence quelques secondes plus tôt), puis revenir de plus bel au metal progressif qui leur va si bien. Et dans tout ça, un tas d’harmonies, autant vocales qu’instrumentales. On y insère quelques airs de guitare un tantinet flamenco, des voix clean fort justes et des growls pour modérer l’ensemble et faire osciller l’aiguille des volumes sur une console d’enregistrement (bon, d’accord, les consoles actuelles ne sont que des moniteurs d’ordinateur, mais vous voyez le topo).
Avec White Eyes, un album concept axé sur l’isolement, le confinement et la solitude la plus complète, la formation mexicaine a de quoi être fière. On y transgresse la frontière entre les genres pour un tout ou pour un rien. On est bipolaire chez Blind The Huntsmen. On se prend parfois pour un groupe de djent, notamment dans « The Hidden Puppeteer », « Preparations » et « Contorting Colossus », avec cette guitare 7 ou 8 cordes accordée en drop D et ces ostinatos caractéristiques qui se métamorphosent en un rideau de notes diaphanes par la suite. On se la joue gros dur à l’occasion, donnant dans un metal progressif mi-lourd, alors qu’on flirte avec la naïveté, l’innocence, la quiétude et la paix intérieure, le temps d’une rédemption thématique, obligée par le texte qui l’accompagne.
Puis, tout en finesse, on clôt ce récit, autant auditif que littéraire, au moyen d’une pièce dirigée par une basse très planante dont la présence illustre la libération, un climax attendu par le personnage central de cette narration musicale, la jeune Komorrah. Pour les curieux, le récit qui articule tout White Eyes est celui d’une fillette enfermée dans une pièce sans lumière ni dimension qui, à l’occasion de certains délires dans son cachot, imagine des bruissements, une présence, des formes et des ombres (celles des « hunstmen »), alors qu’elle est seule dans cette pièce exiguë. Pour seul salut, une boîte emplie de lumière qu’elle ouvre pour entrer en contact avec ces êtres surnaturels qu’elle perçoit à travers les photons. Et la réelle lumière ne viendra que lorsque la fragile enfant s’éteindra.
Récit de lumière et de ténèbres, récit manichéen un peu complexe pour rien, White Eyes évoque davantage avec ses mélodies qu’avec les mots. On trouvera difficile de se retrouver dans ce concept-fable, alors que la musique, elle, nous rejoindra de façon plus fluide, plus naturelle. Peut-être que le concept en soi est une chose quelque peu forcée, mais la musique n’en demeure pas moins superbe, envoûtante, cathartique et bipolaire à souhait. Du gros calibre pour celui ou celle qui aime les extrêmes, les contraires et les dichotomies aux heureux équilibres. Bonne écoute !
Dann ‘the djentle giant’
Great album! Underrated, they need more recognition! Thanks for sharing it!