BJ Nilsen – The Invisible City

The Invisible City
BJ Nilsen
2010
Touch

The-Invisible-City

En fait, ça commence par ce que l’on croit être du silence, et puis un drone fait son apparition, électrique comme si on avait branché le courant. Ce mouvement statique (un brin stressant tout de même !) s’étend sur plusieurs minutes avant de bifurquer dans une autre direction, où se mêlent field recordings, drone hypnotique, interférences magnétiques légères montant jusqu’à un final d’interactions légèrement bruitiste mais terriblement tenace et pénétrant. BJ Nilsen a changé d’univers, du moins en parti. Si « The Short Night » prenait comme appui un espace naturant que le Suédois avait réussi à transfigurer avec grâce en mélangeant différents médiums, il trouve dans ce nouvel album un lieu inédit  où ce dernier peut laisser libre cours à ses manipulations : la ville !

On ne dira jamais assez que le sound artist suédois est l’un des seuls à utiliser un nombre conséquent de matériaux dans le seul but de triturer notre inconscient, d’évaluer notre imagination. Que ce soit de l’équipement analogique ou digital, que ce soit pour créer des drones amples, pour enregistrer des field recordings (manipulés ou pas) ou pour jouer sur la tonalités et les couleurs des évènements sonores, BJ Nilsen transcende son matériau. Tout ça pour dire, finalement, que rarement on aura entendu quelqu’un donner un volume, une palette reconnaissable (bien qu’étant abstraite) à tel point que « The Invisible City » pourrait être n’importe quelle agglomération. Oui, à l’écoute de cet album, on se retrouve sur un quai de gare, la nuit, vide. Lumières jaunatres des lampadaires comme seules sources lumineuses. Bruits des générateurs en activités constantes. Grondements des métros passant en dessous de nous, grincements des portes et autres grilles. Conversations au lointain portées par le vent, batiments administratifs vidés de toute activités. Ce contexte urbain permet à BJ Nilsen de faire évoluer ses structures et de se permettre aussi de brusque ruptures de tons. Silences, montées bruitistes, accords de guitares, coupures nettes, stridences se mélangent à ses montées planantes, mélancoliques et décharges spectrales. « The Invisible City », c’est une promenade nocturne, attiré par ces sources lumineuses artificielles, la rencontre entre les cinéastes Michael Mann (la ville acquiert une humanité fantomatique) et Andreï Tarkovski (l’aspect fortement contemplatif). Fascinant et éthéré, bien que ce sentiment soit atténué par rapport à « The Short Night », « The Invisible City » captive, sculpte une perception irradiante entre chaleur et froideur, brouille nos sens, nos conceptions fantasmées au travers des reflets de notre civilisation. Et si cela restait pour nous une inconnu ?

Vous l’aurez compris, BJ Nilsen est un compositeur intransigeant, qui aime perdre son auditeur dans les méandres de non-lieux semblant sortir d’un songe. On se souvient que de bribes floutées et on a aimé ça. C’est ce qui rend cet album si fort. Est-il nécessaire de vous dire que des pièces comme celle-là, c’est rare ? À se procurer d’urgence et à écouter sur un banc, la nuit.

Jérémy Urbain (9,5/10)

Site web : http://www.bjnilsen.com/

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