Binary Code – Moonsblood
Autoproduction
2016
Dur, mais souple. Lourd, mais planant. Rouge passion, mais noir comme le vide. Monumental et intime; binaire, quoi. Dans un registre à mi-chemin entre le rock et le metal progressif (selon le passage), le groupe Binary Code lançait en mai 2016 Moonsblood, son deuxième album. Si on m’en avait fait écouter d’emblée, sans me dire de quel groupe il s’agissait, j’aurais mis ma main au feu qu’il s’agissait d’un nouveau disque de Sullen, cette formation portugaise dont je vous ai parlé il y a quelques temps déjà (c’est surtout dans la pièce « Trees 100ft Underwater » qu’il devient impossible de différencier les deux formations).
Une trame de fond basée sur le bruissement subtil de l’atome sur la matière, un esprit général qui vous fait songer à l’espace et à la dérive, au vide sublime et majestueux qui nous sépare de l’infini, puis progressivement, une fusion d’éléments sui generis qui émergent, créent le son, la matière et le tangible pour se rencontrer et engendrer ce matériau complexe qu’est la musique de Binary Code. Tout ça en un processus et un amalgame difficile à saisir. J’ai déjà connu cette impression avec le singulier album Language de The Contortionnist, avec Paralax II de Between The Buried And Me et partiellement chez les explorateurs musicaux de TesseracT. À d’autres moments, je reconnais la lourdeur primitive que l’on peut percevoir chez le collectif musical The Ocean ou chez les Bolognais de Nero di Marte. Et pour les fans de Gojira, des morceaux tels que « Dark Medidations » et « 707 » vous plaquera littéralement contre le mur. Pour moi, en tout cas, tout ça est une heureuse combinaison de tout ce que j’aime dans le metal (et surtout en ce qui concerne la nuance et la variation d’un motif central autour duquel on extrapole et explore).
La mathématique musicale n’a pas de secret pour ce type de formation. On jette les conventions aux oubliettes pour faire table rase des contraintes parfois linéaires de la théorie. On s’amuse ici à la déconstruction, aux contre-temps, aux alternances insoupçonnées entre les mesures les plus planantes et certains passages plus telluriques. Et cette bipolarité, que dis-je, cette binarité, on la retrouve autant dans la voix que dans l’instrumentation. La ligne de conduite est difficilement saisissable. On a vu pire, point de vue succession des idées et des rythmes; ce n’est pas du Zappa ou du progressif expérimental comme chez The Aristocrats, Blotted Science ou Behold.. The Arctopus et consorts. Mais on sent tout de même dans ce metal progressif très fouillé une sorte d’hyperactivité cérébrale. Comme des colibris, les new-jerseys de Binary Code ne se posent sur aucun perchoir… pas le temps ! Ces musiciens explorent mille avenues, mille nuances dans un seul titre. Et on se demande comment ceux-ci peuvent bien y arriver, puisqu’aucun morceau de l’album n’excède les 4 minutes !
Je n’ai rien à dire qui rendrait justice à cet album, sinon qu’il a sa place dans mon panthéon personnel. Inventif, efficace, puissant, nuancé, progressif à souhait dans tous les aspects du terme. On ne s’ennuie pas au royaume de Binary Code. Ce qui est par contre dommage, c’est que le premier album, Suspension Of Disbelief, paru en 2009, est bigrement difficile à trouver. On le retrouve en streaming chez SoundCloud, sinon, on doit se contenter de farfouiller YouTube. Et ça, ça m’énerve royalement. Mais bon, rien n’est parfait…
Dann ‘the djentle giant’