Anna Von Hausswolff – The Miraculous

The Miraculous
Anna Von Hausswolff
2015
Pomperipossa Records

Anna von hausswolff-the miraculous

Vous ne le savez pas, et puis ça vous fait une belle jambe, mais cette chronique, qu’est-ce que j’ai galéré. J’ai tenté la nouvelle glauque, pas trop ça, donc échec. J’ai tenté de parler de mon ressenti, comme d’habitude, dans une syntaxe atroce. Je l’ai aussi tenté purement informative, mais faut quand même pas me prendre pour un con. J’ai recommencé, encore et encore, tout effacé pour recommencer et rester invariablement devant une page blanche. Si ce n’est pas porter la poisse ! En même temps la page blanche c’est un peu une allégorie. On parle d’absence, de vide; ici, d’espace à parcourir, de solitude à égrener. Et quand c’est une jeune suédoise à la bouille de petite fille qui, à son troisième album, décide de basculer du côté obscur de la pop en y incorporant une louche de doom, d’ambiance black metal très atmosphérique tout en reniflant du côté désertique d’un Earth, on devient songeur. Tout en évitant l’écueil du conglomérat kitsch à la Diamanda Gálas ou des pires instants de Jardboe en solo, on est forcément réceptif.

Capteurs enclenchés, donc, pour le nouvel album de cette organiste et chanteuse. Oubliez, de ce fait, les débuts jazzy/pop (bien que relaxants), qui sonnent « nordiques »  et laissez entrer la puissance de l’orgue, sa touche lourde et répétitive, son utilisation moderne d’amplification sur des compositions aussi amples que simples. Oui, Anna sait autant prendre une position de démiurge observant une masse de corps enchevêtrés dans la mort qu’accueillir avec son chant diaphane et délicat les zones lumineuses, émanantes et éparses qui se présentent. Maniant le mystère telle une équilibriste sur un fil à linge tendu entre deux falaises, la petite suédoise tisse des toiles où les mélodies se confrontent avec des rythmiques plus rugueuses et percussives dans les dédales de titres labyrinthiques. Tour à tour contemplatifs et viscérales, jusqu’à atteindre le stade du drone écrasant au détour d’un accent doom suspendu (d’autant plus impressionnant en live), les fragments romantiques agencés, me rappelant furieusement les écrits de Schlegel (va savoir pourquoi), captivant, débroussaillant des paysages enneigés portés par cette voix. Cette voix au coffre impressionnant qui  fouette autant le visage par un vent glacial qu’elle s’y montre solaire.

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Quelque part, c’est nous surprendre à rêver, à nouveau. Fin d’une humanité, regard compatissant et éploré sur une adversité aussi lourde qu’intime tout en étant une main tendue pour lâcher prise et toucher du creux de la main une chaleur réconfortante, The Miraculous en est l’illustration picturale. Un voyage qui fait tourner la tête, amplifiant les sens, une prise de risque finement dosée mais constructive, riche en émotions et en confrontations. Regardez dans cette direction et vous pourrez, peut-être, apercevoir la démesure d’un Werner Herzog sur la rosée matinale d’une feuille ou les brefs remous d’un lac. Merci, Anna pour ce moment de suspension…

Et ça vous fait une belle jambe, je sais…

Jéré Mignon

Coup de Coeur C&Osmall

http://annavonhausswolff.org

https://annavonhausswolffmusic.bandcamp.com

Note : voir également la chronique de Jean-Michel Calvez à propos de l’album Ceremony

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